La Liberté, 11.07.2001

 

Les parents d'«enfants enlevés par l'Allemagne» manifestent à Berlin PARIS · A l'appel de l'association de parents français SOS enlèvement d'enfants par l'Allemagne, une dizaine de personnes appartenant notamment à des organisations de France, des Etats-Unis ou de Suède comptent entamer aujourd'hui à Berlin une grève de la faim. Par Sophie Tétrel Le mouvement entend également manifester samedi, pour attirer l'attention du grand public sur cette question qui concerne les enfants issus de couples franco-allemands. Avant-hier déjà, une vingtaine de membres de l'association française ont manifesté devant l'ambassade d'Allemagne à Paris. Le président, Gilles Duflot, demande «aussi bien au Gouvernement français qu'au Gouvernement allemand un geste politique fort». Selon l'organisation, qui compte une centaine de membres, environ 500 enfants ont été enlevés par un parent allemand, mais faute de statistiques officielles, les estimations sont empiriques et des sources judiciaires évaluent le nombre réel à cinq, voire dix fois moins. Reste que, dans tous les cas, la situation est «absolument insoutenable», comme le souligne Gilles Duflot. Le secrétaire général de l'association, Maurice Elfeke, refuse quant à lui de s'alimenter depuis son incarcération, le 26 juin dernier à Hanovre, pour détériorations et vols. Il était venu pour tenter d'empêcher le changement de nom de famille de ses enfants, qu'autorise la loi germanique. Aux Etats-Unis, Richard Vikstrom observe une grève de la faim à Chicago depuis le 4 juillet, de même que M. Rumiej à Speier, en Allemagne, depuis le 29 juin. A Guérande, Karine Trofigué rejoindra le mouvement le 15 juillet pour ses deux filles emmenées en Allemagne. «J'ai tout essayé!» «J'ai pratiquement tout essayé», a raconté à l'agence Associated Press Jean Trillsam, 44 ans, trésorier de SOS enfants enlevés en Allemagne et père de deux adolescents - une fille de 14 ans et un garçon de 17 ans. «Le seul moyen, c'est la pression, pour que mes enfants voient que je n'abandonne pas», explique- t-il. Il ne nourrit cependant guère d'espoir dans la justice allemande qui, dit-il, donne rarement raison aux étrangers, préfère laisser les enfants où ils sont et interprète de façon restrictive la convention de La Haye sur le déplacement illicite des enfants. Jean Trillsam, dont l'épouse a quitté la France en 1991, n'a pas vu ses enfants depuis 1994. Accusé d'attouchements par sa femme, il est toujours en instance de divorce. «J'ai encore quelques arguments dans la poche, mais plus grand-chose. On a des droits, mais si on les applique, on est perdant», estime-t-il, hésitant à prolonger encore une procédure «ruineuse». Médiation possible parfois Lorsque les époux sont volontaires, ils peuvent avoir recours à la Commission franco-allemande de médiation. Créée en octobre 1999, elle est composée de trois parlementaires français - Pervenche Berès (députée européenne, Parti socialiste) et Dinah Derycke (sénatrice, socialiste du Nord), Pierre Cardo (député, Démocratie libérale) - trois députés allemands - Angelica Schwall-Dueren, Rolf Stockel et Fred Gebhardt - et un secrétaire général, le magistrat Alain Mancini, qui dirige également la mission d'aide à la médiation internationale pour les familles depuis avril 2001. Mariages franco-allemands «La commission parlementaire a été saisie de 34 dossiers depuis octobre 1999. Le taux de résolution est d'environ 40 à 45%», a précisé à l'AP Alain Mancini, qui juge le résultat «satisfaisant étant donné qu'il s'agit des situations les plus difficiles, cristallisées depuis des années.» Le problème, qui concernait surtout le Maghreb jusqu'alors, est devenu également franco-allemand ces dernières années avec l'augmentation du nombre des mariages entre ressortissants des deux côtés du Rhin: l'Institut français de la statistique (INSEE) en dénombrait 891 en 1998 sur un total de 171 361 unions. Le taux de mariages binationaux est passé de 6,4% en 1982 à 11,4% en 1992. Les conflits se multiplient parallèlement, et c'est pourquoi la France essaie de promouvoir ce mode de résolution au niveau international. Des progrès ont déjà été enregistrés, notamment avec l'entrée en vigueur au 1er mars dernier de l'initiative française Bruxelles II concernant l'exécution directe des décisions de justice dans le domaine de la famille dans tous les pays de l'Union européenne. Solution par Bruxelles Les parents séparés de leurs enfants placent à présent leurs espoirs dans l'application du texte, mais aussi dans l'implication des politiques, comme la ministre française de la Justice, Marylise Lebranchu, qui a exprimé récemment sa compréhension pour «l'inquiétude et à la souffrance des parents auxquels leurs enfants ont été arrachés.» La question a également été évoquée par le président français Jacques Chirac, son ex-homologue américain Bill Clinton et le chancelier allemand Gerhard Schroeder. AP Quand un enfant issu d'un couple franco-allemand séparé retourne vivre en Allemagne avec l'un des parents, l'autre a peu de possibilités légales de le revoir. Ces dispositions légales sont dénoncées par le mouvement. Charly Rappo (photo archives)